Nous nous sommes rendus lundi 4 mars 2013 à la réunion organisée par l’association de la Maison Des Artistes concernant la récente demande du gouvernement de réaliser un audit visant au regroupement des services de gestion de la sécurité sociale des artistes-auteurs ainsi que de leurs caisses.

Le présent article fait un point sur la situation et les problèmes abordés lors de cette réunion.

La Maison des Artistes, une association bicéphale

Il est important de comprendre que dans la même association, deux entités, avec des missions et des équipes différentes cohabitent :

Une entité, organisée autour d’un conseil d’administration agréé et missionné par l’état pour la gestion administrative de la sécurité sociale des artistes.
Les artistes doivent obligatoirement s’y inscrire et y cotiser pour pouvoir exercer leur activité professionnelle.
Une autre entité, historiquement antérieure, qui mène des actions de solidarité envers les artistes et défend leurs intérêts.
L’adhésion à cette entité est optionnelle.

Pour permettre de faire plus facilement la distinction tout au long de cet article, le terme MDA-Sécu sera utilisé pour l’entité concernant la sécurité sociale et celui de MDA-association pour l’entité d’aide et d’information aux artistes. Le terme Maison Des Artistes désignera l’ensemble formé par ces deux entités.

On peut également noter que L’AGESSA (Association pour la Gestion de la Sécurité Sociale des Auteurs), association également agréée par l’état, ne s’occupe quant à elle que de la gestion administrative de la sécurité sociale des auteurs. Comme pour la MDA-Sécu, les auteurs doivent obligatoirement s'y inscrire et y cotiser.

La demande des ministères

Les ministères des Affaires sociales et de la Santé, de la Culture et de la Communication ainsi que de l’Économie et des Finances ont demandé à ce qu’un audit soit réalisé, afin de définir comment unifier la gestion du régime de sécurité sociale des artistes-auteurs.

Cette demande est motivée par un rapport de 2005 concernant la gestion de la sécurité sociale des artistes-auteurs par la Maison des Artistes ainsi que par les réclamations des organisations professionnelles (syndicats).

Lire la lettre des ministères

La base du projet

Le rapport de 2005 — dont nous vous recommandons la lecture — met en lumière de nombreuses luttes internes et dysfonctionnements au sein de la Maison des Artistes.

Ces problèmes sont, pour l’essentiel, liés au côté schizophrène de la Maison Des Artistes qui essaie de faire cohabiter, au sein d'un même organisme, deux entités aux missions différentes.

La situation a certainement évolué depuis, mais au vu de certaines réactions lors de la réunion, tout n’est visiblement pas encore réglé.

Ce rapport étudie en profondeur différentes solutions permettant l’amélioration de la gestion actuelle de la sécurité sociale des artistes-auteurs. Il conclut en recommandant la création d’une caisse spécifique aux artistes-auteurs, et remplaçant la MDA-Sécu et l'AGESSA.

La création d’une telle caisse, similaire à celles des avocats, ne modifierait pas le régime des artistes et présenterait plusieurs avantages :

  • La mutualisation des ressources permettra de faire des économies en évitant les doublons entre organismes et permettra de meilleurs échanges avec l’URSSAF.
  • Elle permettra à plat certaines incohérences de gestion entre deux organismes pourtant soumis à la même législation.
  • Elle supprimera les cas de certains artistes-auteurs qui font des va-et-vient continus entre les deux organismes.
  • Elle facilitera le rapprochement entre les déclaration des artistes-auteurs et celles des diffuseurs (les clients).
  • Elle simplifiera les déclarations des diffuseurs, qui n’auront plus qu’un seul interlocuteur.
  • Enfin, elle pourra assurer la gestion complète des contentieux. Actuellement partiellement gérée par l’URSSAF cette gestion pose régulièrement problème.

La création de cette caisse sous-entend également la disparition de l’AGESSA qui n’aurait plus de raison d’être.

La Maison des Artistes continuerait son existence car elle conserverait les activités de la MDA-association.

Lire le rapport de 2005

La réunion

La réunion était donc organisée par la MDA-association et seuls ses représentants étaient présents, le directeur de la MDA-Sécu n’ayant pas été invité ou n’ayant pas souhaité participer (son absence n’a pas été expliquée clairement).

Nous pensions (innocemment) que la réunion porterait :

  • Sur les dysfonctionnements actuels auxquels nous sommes confrontés quasi quotidiennement via nos utilisateurs.
  • Sur les moyens à mettre en œuvre pour signaler ces problèmes et leurs solutions.

En définitive, ces points jugés comme mineurs et négligeables par la MDA-association, n’ont été pas été abordés.

Elle considère que la MDA-Sécu remplit parfaitement sa mission et qu’il n’y a pas lieu de modifier un système qui fonctionne.

L’assimilation à l’URSSAF

La crainte formulée par les responsables de la MDA-association est que le gouvernement, loin d’être bienveillant, chercherait à confier la gestion des artistes-auteurs à l’URSSAF, soit au régime général (salariés), soit au RSI (régime des indépendants).

Le rapport de 2005 répond à cette crainte car il indique que l’URSSAF n’est pas adaptée pour assimiler le régime des artistes-auteurs et qu’une telle proposition susciterait de plus un rejet unanime.

La suppression du régime des artistes-auteurs

Les responsables de la MDA-association ont également évoqué le fait que le régime des artistes-auteurs, actuellement apparenté à celui des salarié et très favorable pour ses bénéficiaires, serait considéré par certains comme un privilège à supprimer.

Rappelons que plus de 50% des artistes-auteurs vivent actuellement sous le seuil de pauvreté, situé à 964€ de revenus par mois1. L’augmentation des cotisations liée à la suppression du régime obligerait de nombreux artistes à abandonner leur indépendance, faisant mécaniquement gonfler les chiffres des demandeurs d’emploi.

Aucun élément dans le courrier des ministères ne semble indiquer qu’une suppression du régime des artistes-auteur est actuellement envisagée par l’État.

Cette mesure irait de plus à l’opposé de la politique d’exception culturelle menée depuis de nombreuses décennies par l’État français.

De même, rappelons qu’un changement de régime défavorable aux artistes2 avait déjà été tenté en 1993, mais la mobilisation des artistes, organisée par la MDA-association, avait permit un abandon du projet.

Nul doute qu’un hypothétique projet de suppression ou de remise en cause profonde du régime des artistes-auteurs rencontrerait une mobilisation massive de la part des artistes-auteurs.

 

Actuellement, à notre connaissance, aucun argument sérieux ne semble donc s’opposer à ce projet d’unification, qui, une fois mis en place, devrait présenter des avantages financiers, techniques et organisationnels. Cette unification devrait améliorer la gestion du régime aussi bien pour les artistes-auteurs que pour les diffuseurs.

 


1 - Les chiffres de la MDA-Sécu permettent de constater que plus de 50% des artistes-auteurs sont assujettis et gagnent donc moins d’un demi SMIC annuel (bénéfices + 15% < 900 x SMIC horaire).

2 - Dans le cadre de cette réforme avortée, les artistes-auteurs auraient dû déclarer leurs revenus en traitements et salaires et non plus en BNC (Bénéfices Non Commerciaux). Il en résulterait une imposition basée sur votre recette (Chiffre d’Affaires - Rétrocessions) et non de votre bénéfice (Chiffre d’Affaires - Rétrocessions - Frais réels), qui ne permet pas de prendre en compte les frais réels.

Posté par Fabrice


1 commentaires

  • Julien 8 mars 2013

    Merci pour ce retour, c'est très intéressant.

  • Pascal 8 mars 2013

    Merci pour cette analyse très claire. La mobilisation de 1993 était en effet liée à un projet de l'administration fiscale, et non de la sécurité sociale et de la culture. Il importe de préciser toutefois que l'assiette des cotisations et contributions sociales des artistes auteurs dépend de leur déclaration fiscale. A compter de 2012 (donc pour les revenus 2011), le régime fiscal "de droit commun" est celui des traitements et salaires (au sens fiscal), avec la possibilité ouverte de déclarer des frais réel. Le régime des BNC est sur option expresse. La déclaration en BNC est soit un déclaration "micro-BNC" (avec abattement forfaitaire pour les dépenses liées à l'activité), soit une déclaration dite "contrôlée". Dans ce dernier cas, l'imposition s'effectue sur les recettes diminuées des dépenses réelles et justifiées liées à l'activité. Et l'assiette des cotisations et contributions sociales est le BNC "réel" + 15%. Ces 15% correspondent à la réintégration dans l'assiette sociale des charges déduites dans la déclaration fiscale. Pas simple... Mais ce qu'il faut retenir est que le régime de la déclaration contrôlée, et l'identification auprès du régime de sécurité sociale permettent de ne payer des impôts et des cotisations sociales que sur le "bénéfice net". Le revers de la médaille - on ne peut pas tout avoir - est que cotiser moins implique que les droits ouverts (en particulier pour la retraite) sont moindres.

  • Cerise 8 mars 2013

    Merci de cet article très clair.
    En revanche il y a une confusion, dans ce que dit précédemment Pascal, le régime fiscal des traitements et salaires n'est pas devenu le régime "de droit commun" des artistes auteurs cf un article intéressant à ce sujet http://www.caap.asso.fr/spip.php?ar...

  • Alexandra 8 mars 2013

    Merci pour cet article particulièrement intéressant.
    Nous verrons bien ce que cela donnera avec le temps. C'est vrai que si on se met à la place de l'artiste auteur qui commence tout juste son activité, ça peut effrayer. J'espère qu'on en viendra pas à passer par l'Ursaaf.

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